Louise sort des toilettes comme si de rien n’était. Ou plutôt: telle une princesse, une duchesse ou une comtesse qui cherche à camoufler le plus bas de ses soucis en tirant une gueule pas possible. Elle s’approche de moi d’un pas ferme et m’ordonne:
- Rase-toi! On dirait un armailli qui descend tout droit de son alpage. Je me demande comment j’ai fait pour te reconnaître tout de suite.
- Sans doute l’odeur du fromage, je plaisante.
- Oui, c’est vrai tu fais honte...
- Ta mémoire visuelle est plus qu’intacte, par contre l’auditive déraille à fond. Bien que comme la plupart des gens...
- C’est une insulte?
- Non, une constatation.
- Et pourquoi?
- Parce que je ne m’appelle pas Yahya Asfour mais... mais...
- Mais?
- Toi d’abord!
- Comment ça?
- Je connais Louise et Carmen, tes pseudos, mais ton vrai prénom et ton patronyme, je les ignore totalement.
- Vraiment?
- Vraiment!... Chose étrange, toi qui déteste tant les Arabes, comment se fait-il que tu aies traduit mon nom dans la langue maternelle d'Anodis?
- C’est qui ce type-là?
- Un Syrien comme mon oncle.
- Quel rapport?
- Aucun.
- Alors?
- Tu mens comme tu respires.
- Mais le mensonge n’est-il pas une vérité dans un monde inconnu?
- De quelle bouche as-tu entendu cela?
- De la tienne, cher Ami!
- Et Asfour pour la première fois?
- De la tienne aussi.
- Bizarre!.. Ne me suis-je pas aussitôt rétracté en te dévoilant ma vraie identité?
- Peut-être, probablement... je m’en souviens pas.
- Cela confirme bel et bien ma théorie.
- Partage-la, si elle n’est pas trop fumante...
- La mémoire est très attachée aux premières impressions. Par exemple: un mot mal orthographié ou mal verbalisé puis corrigé refait toujours surface quand on fait appel à ce dernier. Compris?...
Toc, toc!
- Merde, ils sont déjà là les ours! s’exclame-t-elle, toute affolée... Cache-toi vite sous le lit.
- Mon œil, dis-je, tu as vu mon âge? Derrière les rideaux...
- N’importe où mais il ne faut pas qu’ils te voient...
X Y alias Yahya Asfour